BIM et bâtiment : un chantier encore en construction

La transition numérique dans le BTP modifie en profondeur l’approche de conception mais aussi de collaboration. Bien entendu, cette transition englobe au sens large les nouvelles méthodes de travail (BIM), tant en termes d’outils que d’acteurs  – outils d’observation (réalité augmentée et réalité virtuelle), de relevés (drones), l’usage progressif d’impressions 3D…

Toutefois, nous allons nous focaliser ici sur le partage de données et la collaboration interdisciplinaire sur une même maquette numérique. Autant de nouveaux paramètres que les maîtres d’œuvre et d’ouvrage devront intégrer. Pourtant, bien que l’actualité évoque régulièrement la pertinence du BIM, peu parviennent à discerner le retour sur investissement réel induit par ces nouvelles méthodes de travail, la contractualisation des services rendus de manière concrète, la gestion pratique des données en stocks etc…

Le but de cet article est de faire le point sur le passage au BIM et d’éclaircir les zones d’ombres sur lesquelles plusieurs acteurs s’interrogent.

La transition numérique s’opère d’une part par les avancées technologiques rendant possible la mutation des professions du bâtiment. D’autre part, ce besoin de transition émerge de lui-même par les méthodes de fonctionnement, de management, de conception, d’exploitation et de maintenance des bâtiments (neufs et existants) qui sont appelées à évoluer.

Or, en 2019 les méthodes de travail relatives au BIM et l’emploi de la maquette numérique notamment, restent encore peu exploitées.  En effet, si l’intérêt de la méthode de travail BIM, et en particulier la démocratisation de la maquette numérique n’est plus à démontrer, les métiers associés et la structuration de l’ensemble de la démarche restent encore nouveaux[1].

Des acteurs de référence au niveau institutionnel se positionnent pour accompagner les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage dans leur transition. Le Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB), initié en décembre 2014 par le ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité, a visé à « accélérer le déploiement des outils numériques à l’échelle de l’ensemble du secteur du bâtiment » [2].

Conscient du changement en profondeur que le travail collaboratif implique dans la transition numérique auprès des divers acteurs, le Plan BIM 2022, succédant désormais au PTNB, se propose d’accompagner la transition par une série d’actions réunies sous 2 axes : « Généraliser la commande en BIM dans l’ensemble de la construction » et « Déployer le BIM dans l’ensemble des territoires » [3]. Le Cercle Promodul/ INEF4 est par ailleurs engagé au sein du comité de pilotage du Plan BIM 2022 afin de soutenir cette transition numérique.

La transition numérique affectant le monde du bâtiment exige de nouvelles compétences. Ces dernières liées à ces nouveaux métiers sont amenées à évoluer de manière significative. Face à cette mutation, les solutions pédagogiques de formation devront être innovantes pour accompagner les professionnels dans leur montée en compétences pour les former aux métiers de demain.

Pourtant, mise à part la qualité d’exécution du projet, l’effort financier reste encore consenti en majorité par les phases amont pour bénéficier aux phases successives. De tous les freins empêchant la transition vers le BIM, celui-ci reste probablement le point bloquant le plus déterminant notamment pour les petites structures. Le passage au BIM et l’atteinte des objectifs fixés par le projet passe donc nécessairement par un raisonnement en « coût global »[9].

Le passage vers le numérique des méthodes de travail implique nécessairement un volet gestion des données. En effet, l’absence d’obligation de normalisation des données (car le respect de normes reste une démarche volontaire[10]) génère des difficultés lorsqu’il est question d’interopérabilité (partage de données, transfert partiel d’informations etc…[11]) d’un logiciel BIM à un autre (à l’inverse, les échanges entre logiciels de même éditeur ne semblent pas poser de difficultés) [12].

Les opérateurs doivent donc s’assurer de la justesse des informations importées dans leur maquette. Par conséquent, le format IFC peut également signifier Il Faut Contrôler.

Une autre facette généralement moins anticipée du travail collaboratif reste la complexité de certaines interventions. Concrètement, du fait du volume important de données figurant sur une maquette, une consultation ou une intervention même simple d’un corps de métier sur la maquette peut devenir complexe et fastidieuse.

La transition BIM et, de manière plus large, au numérique, bouscule les modes de fonctionnement employés jusqu’alors. Cette transition, pour être réussie, doit être capable d’emmener tous les acteurs (petites structures comme plus importantes, maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, bureaux d’études spécialisés et architectes, équipementiers et constructeurs etc…) et doit trouver sa place dans tous les processus de construction (conception, exécution, maintenance). Le trait caractéristique de cette transition réside autant dans de nouveaux outils que dans une nouvelle méthode de travail.

D’abord, les différents acteurs de la construction doivent se former aux nouveaux outils (équipements, formation, efficacité) mais doivent également prendre en compte un temps d’adaptation des collaborateurs (courbe d’apprentissage et d’adaptation de l’ensemble de la chaîne d’acteurs). D’autre part, les méthodes de travail sont appelées à changer et prendre une dimension dite collaborative où chaque intervenant insère les éléments reliés à son expertise sur une seule et même maquette numérique.

En développement dans le neuf, l’arrivée du BIM dans la rénovation (photogrammétrie, relevés par drones, scanner 3D, réalité augmentée etc…) mais également dans la déconstruction (plateforme batiRIM[16]) se prépare déjà. Bien entendu, des efforts de pédagogie, de formation et d’innovation seront nécessaires pour étendre ces outils et ces méthodes au plus grand nombre et que l’usager et l’utilisateur final en retirent le plus grand profit pour occuper des bâtiments sains, durables et performants.

© Crédits photo : Plateforme KROQI

Sources : 

[1] « BIM manager, un métier en construction« , Le Moniteur, le 06/04/2018

[2] Présentation des missions du PTNB

[3] Dossier de presse des actions du Plan BIM 2022 « Généraliser l’utilisation du numérique dans le bâtiment d’ici 2022« , Ministère de la Cohésion des Territoires, Novembre 2018

[4] « KROQI – Fiche de présentation« , Juillet 2018

[5] « Enquête sur la pratique du BIM par les bureaux d’études« , CEGIBAT, le 04/07/2018

CEGIBAT, centre d’expertise efficacité énergétique de GRDF, renseigne les professionnels du bâtiment sur les réglementations liées au gaz naturel et l’efficacité énergétique

[6] « Secteur porteur cherche 60 000 collaborateurs« , Cahiers Techniques du Bâtiment, 30/01/2019

[7] Voir « Un besoin de formation au numérique important« , Cercle Promodul/INEF4

[8] Enquête CEGIBAT

[9] « Voici un modèle économique « gagnant-gagnant » pour généraliser le BIM !« , Construction 21 France, Novembre 2016

[10] « Panorama des normes et standards du BIM« , Mediaconstruct, Juillet 2018

[11] Article « Imports / Exports IFC« , BIMstandards, non daté : liste de manière non exhaustive des problèmes connus liés aux formats et aux échanges de fichiers

[12] Guide « Le développement du BIM : Recueil du besoin des acteurs du secteur et identification des atouts du BIM dans un objectif d’efficience économique« , PTNB, 5/03/2018, page 12/17

[13] Article « Bim : Le degré de maturité des maîtres d’ouvrage est à peu près inexistant« , Batiactu, 20/12/2018

[14] « La convention BIM« , Ordre des architectes, Août 2018

[15] Guide méthodologique complet « Pour des conventions de projets en BIM« , 6 Avril 2016, Mediaconstruct (Pour plus d’informations sur la démarche générale de rédaction d’une convention BIM).

[16] « Suez se lance dans la déconstruction sélective des bâtiments », Le Moniteur, 15 Mars 2018