[1/3] Un label comme signe de confiance et de qualité, est-ce possible ?

Dans un contexte de transition énergétique à l’échelle nationale, la rénovation énergétique des logements est un incontournable. Le ministère de la Transition écologique et solidaire confirme l’objectif ambitieux de rénovation de 500 000 logements par an[1]. Dès lors, une réflexion doit donc être menée pour parvenir à une massification des rénovations tout en préservant la qualité des travaux. Pour autant, c’est au particulier que revient la décision de rénover ou non son logement. L’instauration d’une marque ou étiquette commune dédiée aux rénovations énergétiques peut-il être déterminant dans la création d’une chaîne de confiance et devenir un élément déclencheur ?

« Les objectifs d’efficacité énergétique ne seront atteints qu’avec le large soutien des ménages, collectivités, professionnels et de tous les acteurs impliqués. […] Plus que d’une conscience écologique, les ménages ont besoin de confiance autour d’une démarche abordable, qui leur ressemble et qui rassemble. »[2]

Un signe distinctif de qualité pour la rénovation énergétique

Les labels existants dédiés à la rénovation ne suscitent pas l’engouement attendu pour massifier ce marché, la démarche de labellisation actuelle faisant l’objet de réflexions et d’interrogations car les impacts sont encore très faibles au niveau des particuliers. Introduire une nouvelle marque de qualité, une étiquette ou un label de la rénovation, est-ce vraiment une piste à suivre pour susciter de l’intérêt, créer la confiance et favoriser le passage à l’acte ?

Pour répondre par l’affirmative, il conviendrait que cette étiquette ou marque de qualité (voire logo comme dans le cas de la marque « AB ») apparaisse comme l’un des moyens de fédérer l’ensemble des acteurs : collectivités territoriales, professionnels du bâtiment et particuliers qualifiant ainsi le mode de garantie et le lien de confiance pour orienter le particulier dans son projet de rénovation.

Pourtant, il faut reconnaître qu’aujourd’hui, le secteur de la rénovation des bâtiments manque effectivement de signaux simples et forts à la fois.

Pourtant, d’une manière générale, un « label » engage une notion de qualité qui est établie par des normes. Toute sa valeur ajoutée est de répondre à un cahier des charges précis et d’être reconnu « officiellement » par l’Etat ou des organismes publics sur la base de critères objectifs et rationnels. Un signe distinctif de qualité qui rassure identifie par ailleurs un univers de référence.

De plus, il y a inévitablement le message que « c’est vérifié, donc c’est vrai », ce qui met en avant le « tiers de confiance » qui doit être indépendant et rigoureux, qui établit le cahier des charges et pourra jouer le rôle d’arbitre.

Le label devient alors un signe d’appartenance, de rassemblement, ce qui guide le particulier mais également toutes les autres parties prenantes (fabricants, distributeurs, etc.). De même, la notion de tiers de confiance associée à cette même « étiquette » évoque le respect d’un cahier des charges dans le cadre des travaux. Son image et par conséquent son logo sont un signe d’identification, ce qui jouera un rôle important qui ne sera pleinement rempli que s’il est connu et reconnu de tous car associé à la qualité et la confiance.

En bref

Un label est « une marque distinctive créée par un syndicat professionnel ou un organisme parapublic et apposée sur un produit commercialisé pour en garantir la qualité, voire la conformité avec des normes de fabrication » (Bern.-Colli Extr. 1976).

Le saviez-vous ?

Un label peut être délivré par un organisme certificateur public ou privé. C’est un signe d’identification, une marque et atteste de la qualité d’un service/ produit ou de la crédibilité du professionnel.

Une certification provient d’un organisme tiers indépendant et témoigne de la conformité d’un produit ou service aux normes en vigueur.

Les spécificités d’un label

Aujourd’hui, cette recherche de marque commune au sens général et intersectoriel remplit plusieurs fonctions auprès du consommateur[3], comme le suggère l’infographie ci-dessous.

Le rôle du label (visible par son logo ou son étiquette) est par conséquent de rassurer le consommateur. L’objectif est que son obtention garantisse une application stricte de la réglementation, gage de qualité. Appliquée au bâtiment cette obtention doit rester accessible à tous les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre désirant être identifiés selon cette signature commune. De ce fait, l’équilibre est délicat entre une adhésion à cette étiquette « trop facile » à obtenir et celle « trop élitiste », complexe à comprendre ou dont les contours ne sont pas assez clairs.

Si on veut atteindre cet objectif, il conviendra que l’organisme qui en valide le contenu et ses applications relève d’une instance indépendante (Etat, associations de défense de consommateurs ou groupe indépendant d’experts)[4].

L’intérêt d’une communication unifiée

L’intégration d’une signature connue et reconnue par les particuliers, professionnels du bâtiment et collectivités territoriales dépend en grande partie de la communication qui l’accompagne pour aborder le particulier. En effet, unifier la communication sous une marque commune rassemble et donne envie.

Le Plan Bâtiment Durable, qui appuie également ce point de vue, soulignait, en février 2018, le besoin d’émergence d’une « évolution de la communication institutionnelle relative à la rénovation énergétique et tout particulièrement des messages et arguments utilisés auprès des particuliers »[5] pour encourager une « marque commune » de la rénovation énergétique. C’est la démarche proposée par l’ADEME, le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la Cohésion des territoires en créant la campagne FAIRE. Objectif : « rassembler l’ensemble des acteurs publics et privés de la rénovation énergétique et des énergies renouvelables et rendre lisible leur offre »[6].

Il conviendra que sa simple mention soit un gage de qualité, de sérieux et de garantie

Mais la marque commune « FAIRE », n’est pas une étiquette au sens d’un label et même si derrière toute l’articulation du système la volonté est de transmettre la confiance et d’essayer de sécuriser le parcours « rénovation » du particulier, cette signature commune ne pourra pas fournir la garantie de la « rénovation réussie ». Cette démarche a toutefois le mérite de baliser le parcours, de marquer grâce à des « signaux de communication » les limites du territoire dans lequel le particulier peut maximiser les chances de succès de son projet.

Par comparaison intersectorielle, la certification « AB » véhicule dans le secteur de l’agroalimentaire la confiance des consommateurs quant à la qualité du produit et les contrôles exercés en amont. Cependant, peu connaissent réellement les critères d’obtention dudit label, la simple mention du logo renvoie toute la notion de sérieux, confiance et qualité entre l’agriculteur, maître d’œuvre et le consommateur, maître d’ouvrage. Dans le secteur de la rénovation énergétique, cette même transparence de l’étiquette commune au niveau de la communication est essentielle à l’actionnement du levier déclencheur des travaux.

Une étiquette définissant une « rénovation réussie » devra accélérer la valorisation sociale de la rénovation et donner un repère au particulier. D’ailleurs, le marquage ou le logo sera essentiel pour témoigner du respect porté aux bonnes pratiques. Ainsi, avant toute autre chose, il conviendra que sa simple mention soit un gage de qualité, de sérieux et de garantie (y compris de résultats et de performances).

Il pourrait à ce titre être un élément déterminant de la massification tant souhaitée et espérée par les pouvoirs publics. Car l’évocation de la seule massification peut rapidement faire référence à des pratiques de marché de masse dans lesquels la fiabilité, la pérennité et la garantie de toutes actions pourraient faire défaut.

Si la massification de la rénovation énergétique des bâtiments n’offrait pas ou n’était pas accompagnée des garanties adéquates, le risque d’un appel d’air à la contre-performance et aux échecs programmés en termes de résultats serait alors réel, tant sur les objectifs nationaux (BBC et SNBC 2050) que sur la qualité de vie à l’intérieur de ces bâtiments rénovés.

Campagne FAIRE, c’est quoi ?

La campagne FAIRE pour Faciliter, Accompagner et Informer pour la Rénovation Energétique. Présentée en avril 2018 par l’ADEME, le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la Cohésion des territoires comme un nouveau service visant à aider particuliers, professionnels et collectivités locales à réussir leur rénovation énergétique, cette campagne renouvelle les messages autour d’une signature commune « en rendant lisible un service public d’information et de conseil sur la rénovation énergétique de l’habitat et en entraînant l’ensemble des acteurs publics et privés dans la rénovation ». La campagne de mise en relation des maîtres d’ouvrage avec les maîtres d’œuvre doit durer jusqu’en 2020 et doit servir de référence pour tout ce qui a trait à la rénovation énergétique. Pour être en mesure de mieux répondre aux demandes d’informations, des « conseillers FAIRE » accompagnent l’ensemble des acteurs. Cette campagne s’inscrit dans cet objectif d’unification de la communication accompagnant la rénovation énergétique.[7]

Freins et points de vigilance à prendre en compte

Néanmoins, de nombreux écueils restent à éviter pour assurer un engouement plus généralisé et massifier le marché de la rénovation, notamment par l’usage de labels et leur multiplication qui à force, peuvent rapidement devenir contre-productifs, noyer le particulier et créer la confusion.

Il faut donc qu’il y ait une approche univoque et coordonnée de toute la filière car toute assimilation à une tentative de greenwashing aura totalement annihilé les potentialités d’une étiquette « rénovation réussie » pour créer de la confiance et une volonté de passage à l’acte. Les critères d’attribution de cette signature commune devront être clairement affichés, leur respect devra être validé de manière indépendante, transparente, si possible chiffrée afin que le particulier soit acteur de son choix.

Dès lors, si cette étiquette apparaît comme un signe de confiance dans le bâtiment, il sera un élément fort et compréhensible entre professionnels du bâtiment en désignant un objectif et en obligeant à la communication sur l’ensemble de la filière.

Toutefois, on peut noter des freins à une reconnaissance forte et une adhésion massive. Parmi les freins constatés concernant les labels consacrés à la rénovation énergétique, nous pouvons relever :

Le saviez-vous ?

Le greenwashing est une tendance visant à transformer l’usage de l’argument écologique et « Développement durable » en abus.

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Une absence d’obligation de résultat, pourtant recherché par presque tous, au détriment d’une obligation de moyens, alourdissant les process en même temps que la facture finale pour le maître d’ouvrage ;
Des mesures mises en place par les pouvoirs publics qui s’opposent parfois, notamment entre la stratégie mono-lot (ou programme pluriannuel travaux) et multi-lots (atteinte de performance globale) ;
Le risque que le label et son contenu ne suivent pas le rythme de l’innovation techno fiscale et sociale en matière de rénovation performante ;
Une absence d’un véritable parcours client qui accompagne le particulier depuis l’occasion de travaux qui le motive jusqu’à la mise en œuvre de travaux performants ;
Pas assez d’appui sur la logique d’embarquement et donc absence des notions clés telles que le confort dans les indicateurs de succès retenus.

Conclusion

La question d’une étiquette « ou label » dans un contexte de transition énergétique est par conséquent plus que d’actualité. Bien qu’il y ait un véritable besoin sur le marché en matière de rénovation énergétique, le basculement vers une rénovation massifiée ne se fera pas sans une approche collective réunissant sous un seul et même label une chaîne de confiance entre tous les acteurs, une distinction en termes de qualité et une valorisation de la qualité de vie du particulier. L’avenir nous dira si le lancement de la campagne de communication FAIRE aura été la première brique du chantier d’une « étiquette commune » génératrice de confiance. Quoi qu’il en soit, s’il faut aller vers un marquage plus fort de la « rénovation réussie », il faudra le construire en cohérence avec tous ces éléments pour accélérer la valorisation sociale de la rénovation réussie et donner un repère au particulier. La simple mention de ce « repère » devrait être un gage de qualité, de sérieux et de garantie.

Pour rencontrer l’effet escompté, l’instauration d’un éventuel label dans le domaine du bâtiment doit pouvoir s’inspirer d’exemples préexistants réussis et d’une analyse aboutie de labels issus de marchés intersectoriels. Nous faisons le choix de porter la réflexion sur le succès actuel de la marque « AB » pour essayer d’en comprendre l’origine mais aussi de mesurer les éventuels écueils à éviter. Cela pourrait nous permettre de mieux définir, d’un point de vue technique et stratégique, les contours d’un « label » ou d’une étiquette « rénovation réussie » si jamais il était envisagé de passer à des phases expérimentales et concrètes.

Notre prochain article de ce dossier thématique, « Certification « AB » : quelles inspirations et limites pour une transposition à la rénovation énergétique ? », passera en revue les éléments de la marque « AB » transposables ou non à la rénovation.

Sources :

[1] « Plan de rénovation énergétique : Nicolas Hulot apporte des précisions », Batiweb, publié le 30 avril 2018

[2] Concertation sur le Plan Rénovation Énergétique des Bâtiments, Ministère de la Transition écologique et solidaire, publiée le 23 novembre 2017, p. 9

[3] Chameroy, F. (2014), « Les effets du label sur la qualité perçue, les relations à la marque et le consentement à payer« , p. 17. Classement établi selon les résultats de l’analyse du discours des experts en marketing.

[4] Feuille de route Economie circulaire, Synthèse de la consultation publique, Ministère de la Transition écologique et solidaire, publiée le 15 janvier 2018, p. 21

[5] « Plan Rénovation Énergétique des Bâtiments, Regards et propositions du Plan Bâtiment Durable : 50 propositions issues de la consultation », Plan Bâtiment Durable, publié le 22 février 2018, p.7

[6] Pourquoi Faire, Campagne Faire

[7] Lancement de la campagne de mobilisation FAIRE, ADEME, 10 septembre 2018

[Dossier thématique] Labelliser pour massifier la rénovation énergétique : une stratégie efficace ?

[2/3] Certification « AB » : inspirations et limites pour une transposition à la rénovation énergétique ?