La consommation énergétique en France est dans le viseur des prochaines réglementations environnementales : en effet, le secteur résidentiel/ tertiaire est le plus énergivore de tous avec une consommation avoisinant les 44% de la production totale d’énergie. D’une part, les objectifs fixés à l’horizon 2050 restent encore à atteindre sous condition de réelle prise en main par les pouvoirs publics et d’autre part, les français sont partagés entre la crainte de voir leur mode de vie bouleversé et leur volonté de contribuer eux aussi à une meilleure optimisation des ressources disponibles.
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[Rénovation Énergétique 4/4] Les pouvoirs publics et les français sont-ils prêts à s’impliquer ?
Pouvoirs publics : ambitions et paradoxes
La France s’est engagée dans une stratégie nationale bas carbone et, dans la lignée de l’Accord de Paris, engage la filière du bâtiment vers une ambition sans précédent pour produire des bâtiments bas carbone au travers d’une démarche collective et partagée. Les pouvoirs publics vantent d’ailleurs les bons résultats qu’obtient la France en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment :
« Depuis le début des années 1990, les émissions de GES ont baissé de 11% et le niveau d’émissions de GES par habitant est, en France, l’un des plus faibles parmi les pays développés […]. Les politiques d’ores et déjà mises en œuvre pour lutter contre le changement climatique doivent nous permettre d’atteindre nos objectifs de baisse des émissions territoriales de gaz à effet de serre en 2020 »[1].
Par contre tout le monde s’accorde à dire que pour être atteints, les objectifs de 2030 et de 2050 nécessiteront des efforts bien plus importants.
Pour atteindre les objectifs, il faudra une baisse de 60 % des émissions CO2 d’ici 2030, soit une baisse moyenne de 6,3 % par an alors qu’elle était, jusqu’à présent, limitée à 1,5 % par an entre 2007 et 2014 [2].
Il semblerait donc que la France ne se donne pas tous les moyens pour atteindre ses objectifs et en particulier sur les actions incitatives ou coercitives. Dans un des derniers rapports publiés par la Cour des comptes sur l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, nous pouvons lire : « Par ailleurs, alors que le montant des dépenses fiscales favorables au développement durable a diminué sur la période (NDLR sur les 15 dernières années), celui des dépenses défavorables a augmenté »[3].
Le rapport insiste sur le fait que cette situation présente le double inconvénient d’augmenter les dépenses budgétaires tout en annulant leurs effets sur l’environnement.
Ce même rapport précise que malgré l’arsenal des mesures fiscales et donc des dépenses publiques, visant à inciter à la rénovation énergétique des logements avec un impact environnemental favorable, les résultats restent modestes[4].
Au-delà des chiffres annoncés et de la volonté de rénover 500 000 logements par an (400 000 dans la Loi de Finance 2005, porté à 500 000 dans le Plan de Rénovation Énergétique de l’Habitat (PREH) en mars 2013) on peut noter qu’il n’est pas fixé de normes claires quant au niveau de performance que doivent atteindre ces logements. Il n’est pas non plus analysé et mis en œuvre les moyens et les méthodes de vérification des travaux et des résultats obtenus.
Cela est particulièrement préoccupant car la Loi « Transition énergétique pour la croissance verte » du 17 aout 2015 indique que dans l’objectif final de 2050, le parc immobilier rénové, en menant une politique de rénovation thermique en faveur des ménages aux revenus modestes, sera conforme aux normes BBC actuelles.
Or d’après des études publiques ou des experts privés, le niveau de 50 kWhep/m².an (correspondant au niveau BBC neuf) n’est à ce jour atteint que par 1% du parc des logements et seulement 3% sont au niveau des 80 kWhep/m².an[5] (correspondant au niveau BBC Rénovation des bâtiments existants)[6].
La Cour des comptes estime par conséquent qu’« au vu des tendances actuelles et en dépit des sommes significatives engagées, les ambitions de la loi Grenelle I sur la diminution de la consommation énergétique semblent très difficiles à atteindre »[7].
La piste suggérée en conclusion afin de rendre plus efficientes les aides et garder le cap vers les objectifs fixés avec deux étapes 2030 et 2050 consisterait à « rendre plus ciblée l’aide globale à la rénovation thermique qui remplacera les actuelles aides fiscales et de moduler son taux en fonction de la performance énergétique des travaux ».[8]
Les Français : motivés…pour que les autres agissent
Plus de 8 Français sur 10 pensent que la France doit agir contre le changement climatique et 88% ont aujourd’hui le sentiment qu’en matière d’actions contre le changement climatique, « les choses n’avancent pas assez rapidement » selon une enquête de Harris Interactive réalisée auprès d’un échantillon représentatif de français[9]. Les gouvernements nationaux sont, en effet, les premiers mis en cause (64%) par ceux qui ont ce sentiment.
88% des Français ont aujourd’hui le sentiment qu’en matière d’actions contre le changement climatique, «les choses n’avancent pas assez rapidement»
19% des Français considèrent que les meilleures solutions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre sont d’abord la modification de leurs habitudes de consommations.
87% des Français pensent que la France doit agir contre le changement climatique, même si d’autres pays ne le font pas (87%) et même si cela coûte cher dans les premières années (86%)
56% des Français considèrent inutile de faire des efforts si les industriels n’en font pas
D’ailleurs quelques éléments viennent confirmer que les motivations ne sont pas essentiellement environnementales. Un sondage Ista-OpinionWay de mai 2015 sur les Français et le chauffage[10] précise que 85% des Français surveillent leur consommation énergétique pour des raisons d’abord économiques, ils ne seraient que 14% à le faire pour des raisons environnementales.
Ronan Chastellier, sociologue et maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politique de Paris, commente le résultat de cette étude de la manière suivante :
« Ce n’est pas de l’écolo-lassitude, la fin de l’éco-responsabilité, c’est l’idée que les Français ne se chauffent pas à l’idéologie. Ils sont conscients des aspects liés à l’écologie et à l’environnement mais agissent en pragmatiques et veulent ‘faire des économies’, la notion de pouvoir d’achat étant la clé aujourd’hui des comportements »[10]
Dès lors, quel comportement peut être attendu face à la transition énergétique? Devant l’apparente différence entre les propos positifs des pouvoirs publics et le comportement réel des français, même en termes d’intention, est-il possible de réconcilier les deux approches ? Cela semble à ce jour difficile.
Dans ces conditions, quelles mesures les français sont-ils prêts à mettre en place ?
Selon un sondage réalisé pour le site de conseil en économie d’énergie QuelleEnergie.fr[11], 10% des français interrogés sur leur réaction en cas d’augmentation de leur dépense énergétique envisageraient des travaux de rénovation énergétique. Ce chiffre tombe à 5% dès lors qu’il s’agit de se positionner sur un changement d’énergie et d’envisager l’utilisation d’énergie renouvelable. Par contre, jusqu’à 44% baissent ou éteignent le chauffage et 27% sont prêts à renoncer au chauffage dans certaines pièces !
Par ailleurs, le dernier rapport[12] de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) précise que douze millions de Français sont en situation de précarité énergétique. Ce phénomène d’inconfort thermique (sensation de froid provoquée par un équipement de chauffage défaillant ou une mauvaise isolation) et de vulnérabilité économique est de plus en plus croissant malgré les politiques publiques mises en place.
La Loi de transition énergétique pour la croissance verte ambitionne un mode de développement respectueux de l’environnement et une société « bas carbone ». Les enjeux pour les bâtiments sont donc considérables en tant que principal consommateur d’énergie et de ressources et producteur de gaz à effet de serre.
Conclusion
Dans ces conditions, quelles actions concrètes peuvent être mises en œuvre pour une meilleure optimisation énergétique des ressources dans un contexte déjà compliqué pour de nombreux ménages ? Les objectifs affichés du gouvernement en matière de rénovation sont ambitieux. Pourtant, l’intervenant décideur dans le choix de rénover ou non son logement reste le maître d’ouvrage (ou particulier).
La question d’un label jouant un rôle moteur au niveau décisionnel et s’imposant comme un incontournable de la rénovation énergétique « rénovation bas carbone » nécessite sans doute des analyses approfondies.
Sources :
[1] Stratégie Nationale Bas Carbone du Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer « La France en action, résumé pour les décideurs », janvier 2015, p.3
[2] Plan Bâtiment Durable, « Tableau de Bord – Données au 31 décembre 2014 », novembre 2016, p.6-9
[3] La Cour des comptes, « L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable », Communication à la commission des finances du Sénat, septembre 2016, p.27
[4] Ibid., p.57
[5] On peut noter que l’unité utilisée, le kWh d’énergie primaire, n’a pas de sens en matière ni de messages pédagogiques en matière de réduction de gaz à effet de serre puisque ce niveau peut être atteint, certes avec un travail sur le bâtiment mais en conservant des énergies carbonées. Le facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire est fixé à 1 pour les combustibles fossiles et 2.58 pour l’énergie électrique.
[6] Voir par exemple l’étude EX’IM M, « Etude statistique sur la performance énergétique des logements français« , Octobre 2011
[7] La Cour des comptes., ouvr. cité, p.60.
[8] Ibid., p.68
[9] Étude Harris Interactive pour la Fabrique Ecologique. Enquête réalisée en ligne du 6 au 8 octobre 2015. Echantillon de 1014 personnes, page 2
[10] Sondage Ista-OpinionWay, « Les Français et le chauffage », Cité dans le communiqué de presse Ista, 4 mai 2015.
[11] Sondage OpinionWay pour Quelle Energie, « Les Français et le chauffage », QuelleEnergie.fr, publié le 16 novembre 2016.
[12] ONPE, « Les chiffres-clés de la précarité énergétique », Editions n°2, novembre 2016.
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« Les français et la rénovation énergétique : une relation compliquée ? »